Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

Il y a quelques décennies, la rengaine c’était l’Etat. Tout le monde se disait être l’Etat. Les musiciens s’y étaient mis en chantant : « L’état c’est toi, l’état c’est moi, l’état c’est nous… » Nous étions tous l’Etat dans le meilleur des Etats possible.

Il y a encore quelques années, nous étions « la masse » pour les uns, « les masses » pour les autres. On nous affublait du qualificatif « populaires ». Ça c’était avant la chute du mur de Berlin ! Masse compacte, masse opaque. Boule de masse ! Une masse ça ne réfléchit pas. On lui dit « à gauche ! » et elle va à gauche ! « A droite ! » et elle va à droite.  

Aujourd’hui nous sommes « le peuple ! » Et ça donne « mon peuple », « notre peuple ». Jamais « ton peuple » ! Tout le monde s’approprie le peuple. Tout le monde s’accapare  du peuple. Tout le monde s’empare du peule. Tout le monde kidnappe le peuple !  « Le peuple veut, le peuple demande, le peuple réclame ! » Demandez-leur qui est ce peuple ? Ils ne sauront le définir. Parce qu’il est insaisissable. Parce qu’il est surtout invisible. On lui colle tous les désirs, toutes les intentions. Mais on ne le voit pas. On ne voit pas ses souffrances, on ne voit pas ses besoins, on ne voit pas sa misère.

Avec les élections qui se profilent dans nos pays, au Congo comme en Haïti, le peuple est à l’honneur !

Au nom de ce peuple pourtant invisible tout est permis !

Ce soir, j’ai une pensée pour le peuple, celui au nom duquel les discours fusent, celui que personne ne voit. Du coup je suis allée dénicher au fond de ma discothèque une vielle chanson zouglou de Côte-d’Ivoire : « Votez pour moi mes chers amis, votez pour moi ! Votez pour moi pour la bonne marche du pays… Je changerai le pays à coups de baguette magique…Il y aura des écoles, il y aura des hôpitaux, il y aura des routes. Quand ils sont votés, on n’entend plus rien de tout ça… Sauvez-nous ô ô ô, sauvez-vous ô ô ô… »

Bonne nuit aux uns, bonne fin d’après-midi aux autres !

LLK