Extraits de : Volcaniques, une anthologie du plaisir sous la direction de Léonora Miano
Extraits de : Volcaniques, une anthologie du plaisir
Elles sont douze. Intellectuelles et écrivaines. D’origines diverses et multiples : Cameroun, Sénégal, France-Russie-Guinée, Guadeloupe, Martinique. Réunies autour de Léonora Miano pour faire exploser le Volcan anthologique du plaisir féminin dans le recueil collectif VOLCANIQUES paru aux Editions Mémoire d’Encrier. Un livre à lire ABSOLUMENT ! Sans commentaire, sans jugement de valeur, sans préjugé, sans stéréotype en suivant tout simplement la lave qui s’écoule de :
1. « Le Dealer » de Hemley Boum : « Les nuits de Yaoundé sont plutôt fraîches, mais la température sous nos draps devenait torride lorsque Christine prenait la parole. Elle remontait sa robe de chambre, écartait les jambes et soupirait : « Je n’en peux plus. Je pouvais à peine marcher aujourd’hui. Ce matin, quand je suis arrivée au travail, le fils du patron m’attendait. À peine ses parents partis, il m’a rejointe dans la cuisine, son bangala à la main. Si tu avais vu ce truc, gros comme ça ! » Elle se saisissait de son avant-bras : « Et dur comme le pilon du mortier. Je nettoyais le sol quand il est entré dans la cuisine. Ma chère, il n’a même pas pris le temps d’enlever ma culotte, il l’a repoussée sur le côté et tchouk ! Il m’a enfoncé son truc. » ;
2. « Un petit feu sans conséquence » de Gisèle Pineau : « Rosan avait profité d’un zouk-love pour la serrer de près, sur la piste de danse d’une boîte de nuit de Saint-François. Tandis que Patrick Saint-Eloi chantait de sa voix sublime… An ka rantré an somey aw Paskè lannuit an ka véyé asi’w Pas an pa ni pon dot jwa anko Ké dé viw de voué mwen pou nou… Sonia avait subitement senti le sexe de son cavalier frotter et durcir contre sa cuisse. Aussitôt, elle l’avait repoussé, tout en constatant que montait en elle un élan frénétique et, dans le même instant, le périlleux désir de s’abandonner à cette attraction, d’abdiquer, de se laisser emporter. » ;
3. « Maître Ès » de Nafissatou Dia Diouf : « Ma main froissait et défroissait les draps. Des voiles se soulevaient et retombaient, mus par un vent léger. J’avais pourtant bien fermé la fenêtre en me couchant hier soir. Je sombrais à nouveau sous l’effet de l’étoffe vaporeuse qui effleurait dans son mouvement ma peau assoiffée de ses caresses. Le rideau me masquait à présent les yeux, me laissant jouir par une intermittence capricieuse d’un spectacle dont mon double était l’actrice. À moins que ce ne fût moi-même… » ;
4. « Diane Enchanteresse » d’Elizabeth Tchoungui : « Pardonnez-moi, Seigneur, j’ai péché…À mon tour, je bus à ses calices, pleine de gratitude. Elle avait calé ma tête contre le coussin d’allaitement. Sa main se glissait à présent sous la blouse de nanny dont elle m’avait affublée – premier épisode du fantasme qu’elle assouvissait à présent ? L’orage grondait. L’enfant dormait. L’orgasme montait. De ce jour béni où pour la première fois je connus le plaisir dans son infinitude, Seigneur, j’ai gardé en mémoire tous les émois, mais il serait inconvenant de vous en faire part. Vous risqueriez une malencontreuse érection. » ;
5. « Nez d’Aigle, Dents d’Ivoire » de Gaël Octavia : « Dans l’eau, le jeu continue. L’homme de théâtre la presse encore contre lui pour mieux la jeter au creux d’une vague. Une fois, deux fois. Ce sont des étreintes furtives, mais chacune s’imprime en elle pour un siècle. À travers son polo trempé, la caresse du torse de l’homme sur les bourgeons de ses seins est d’une exquise violence. Tout, à l’intérieur d’elle-même, se contracte, palpite, avant de se relâcher dans un soupir. La troisième fois, elle est happée par le rouleau d’une vague. Elle se laisse bringuebaler, totalement offerte à la force de l’onde. Il lui semble que c’est l’étreinte qui se poursuit, la puissance de l’eau se confondant avec celle de l’homme. Elle boit la tasse, la savoure comme un baiser. Quand elle émerge enfin, c’est pour se laisser flotter, comblée et pourtant vidée. » ;
6. « Taberi River » de Gilda Gonfler : « Il lui avait ordonné de s’allonger nue, dans la chambre aux persiennes ouvertes sur la forêt de Citrus Creek. Léto avait obéi. Menue, la peau noire, la jeune femme trouvait ses seins trop petits et ses fesses trop grosses. Dans la lumière du jour, elle les avait pourtant exhibés, lascive. Léto ne se sentait belle que dans les yeux de son amant. Il était resté debout à côté du lit, la fixant. Elle avait respiré un peu fort. La peur qu’il lui reprochât de ne pas mouiller assez l’avait rendue anxieuse. À la fois pour se rassurer et l’exciter, elle avait mis un doigt dans son sexe.» ;
7. « Dedans et Dehors » de Silex : « Une autre de ces nuits…Des clavicules à l’aine à peine désencastrée, les cellules vibrent dans un douloureux désordre. Les doigts, recroquevillés pour retenir,sont ankylosés depuis longtemps. Si je tire, ça casse, c’est sûr. Le sang n’est qu’un lointain souvenir. Mais le cœur bat encore. La chaleur resserre son étreinte. L’autre devient l’autre dans un sursaut de panique. Les réflexes me reviennent, fidèles, quand j’échappe à ce qu’il y a de toi, de vous, dans cet autre. Je ne me laisserai plus jamais sombrer dans l’impuissance. » ;
8. « Café Noir Sans Crème » de Nathalie Etoké : « De retour à l’appartement, Ishmael se mit au travail. Il y avait dans ses gestes de l’agilité et de la précision, une attention méticuleuse portée aux détails. Si ses mains étaient aussi adroites et gracieuses sur des planches de bois, quel sort réserveraient-elles à son corps ? Une envie soudaine de café prit Keisha. Lorsqu’il fut prêt, elle imposa une pause à Ishmael. Assis autour de l’îlot central de la cuisine américaine, ils ne pouvaient plus s’éviter du regard. Ishmael se jeta sur la cafetière et servit Keisha. Il craignait d’être maladroit. Silencieusement, Keisha l’observait avec insistance. Il s’empressa de lui demander si elle mettait du sucre ou de la crème dans son café. Cette question banale sonna comme une invitation à des jeux coquins. Ishmael avait un timbre suave à la Barry White. Tout ce qu’il disait portait l’estampille du désir. Avec une pointe de malice, Keisha répondit : « - Mon café, c’est comme mon homme idéal. Je l’aime noir sans crème. Parfois avec un peu de sucre. »;
9. « Ta Bouche sur mon Épaule Gauche » de Marie Dô : « Ta bouche sur mon épaule gauche avant l’éclipse du sommeil, ton plus beau rôle, ta plus belle composition. Ton souffle tiède conte sur ma peau nue la fable d’un amour heureux, absolu, éternel. Nos corps captifs murmurent ce que nos bouches ignorent. Nos enfances salies s’amnistient de leurs meurtrissures. Enfin revenus de nos fièvres, nous goûtons la même trêve, unis dans l’espérance d’un matin pacifié. Réfugiée dans mes chimères de femme amoureuse, lovée dans la chaude fusion de nos corps, je déguste la douceur de cette oasis qui me répare de la violence de nos crues et décrues, des séparations-ruptures-retrouvailles qui rythment notre histoire tel un refrain maudit, de la violence des paroles définitives que nous nous envoyons à la figure sans jamais les respecter. » ;
10. « Rayon Hommes » de Fabienne Kanor : « Le Noir prêt-à-baiser a haussé les épaules. Il n’était pas inquiet, il en attraperait bien une parmi la huitaine de solitaires qui sirotaient leur sucrerie. Le bar allait fermer lorsque je me suis levée pour danser. « Une dernière !» j’ai lancé au pianiste en remuant lourdement mes membres entre les tables. J’étais pompette, le rhum des Antillais, ça tue, et faillis me péter la cheville au refrain. J’ai vu le Noir emballer sa proie, le barman ranger ses citrons. J’ai entendu quelqu’un ricaner de moi. J’ai supposé qu’il s’agissait d’une femme. La solidarité ne sera jamais notre fort. Et puis je n’ai plus rien vu. Ce qui s’est passé après, après la chanson, après ma main dans le froc du pianiste, m’est complètement sorti du crâne. » ;
11. « Full Cleansing. La quête de Kweli » de Léonora Miano : « Elle se jetait sur les hommes, leur imposait son adoration. L’ardeur de ses sentiments, sa générosité pour les exprimer, tout cela abolissait les plus coriaces résistances. Ce n’était pas elle que l’on aimait, c’était l’amour inconditionnel et passionné qu’elle offrait. Elle, on ne la rencontrait qu’à de rares occasions. En dehors de Baobab Fou, nul n’avait osé lever ses voiles, se confronter à ce qu’il y avait dessous. On ne voulait rien savoir de la faille au fond de laquelle sa ferveur amoureuse avait macéré. On refusait de connaître la gamine, sa blessure, les carences qu’une folle envie de vivre – malgré tout – avait converties en un besoin de compagnonnage. Trouver l’alter ego. Former avec lui une île. Fonder un monde à deux. Quitter père et mère pour être avec quelqu’un. Avait-elle les moyens d’une telle politique ? La petite fille était là. C’était elle aussi qui prenait place au sein du couple, car il n’y avait pas d’adulte sans qu’elle ait précédé. De ses hommes, elle n’avait rien attendu que les caresses, l’affection. C’était ce qu’elle recherchait dans le frottement, l’emboîtement des corps : l’intimité pour refuge. »;
12. « Païenne » de Axelle Jah Njiké : « À chaque instant, dans chaque circonstance, de la plus simple à la plus sublime, elle avait cultivé cette parole maternelle. Veuillé à être elle-même, su être libre. Loin des normes et du culte de la performance. Elle avait partagé son intimité comme un signe, au-delà de la confiance accordée à l’autre, de la liberté qu’elle s’octroyait. Celle d’oser s’ouvrir et se dévoiler sans fard et au plus haut degré de sa fragilité. D'accueillir l’euphorie qui accompagnait chacun de ses orgasmes comme une énergie de vie qui lui faisait du bien, lui donnait confiance, la faisait exister et la propulsait. ».
J'espère que vous avez aimé, comme moi, ce morceau choisi!
LLK
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