Liss, ah Liss....!!!
Liss, ah Liss, ce texte je te le dédie!!!!!
Je commence par des leçons apprises de ma mère : « Il ne faut jamais se moquer d’un nageur qui se noie. » Non, ça ne marche pas ! « La morue ne doit jamais se moquer du poisson fumé puisqu’au final, les deux finiront dans une sauce trois pièces ! » Bon, ça se rapproche mais c’est trop long ! Je vais faire plus simple : « Il ne faut jamais se moquer des malheurs de ses semblables ! » Ça, je crois que ça marche ! Et voilà.
En lisant un soir une histoire écrite par Liss Kihindou, je riais tellement fort que mon voisin finit par appeler la police en leur disant que sa voisine (donc moi) avait perdu la tête. Les policiers, au nombre de cinq, débarquèrent chez moi manu militaire (Dieu merci sans la fameuse camisole). Je leur ouvris la porte en me tenant les côtes et en essuyant le ruisseau de larmes qui coulaient de mes yeux. Ils n’en revenaient pas ! Surpris, ne comprenant pas que ce qui m’arrivait et se disant sans aucun doute que j’étais une « folle bien joyeuse. » Au bout de deux minutes, ils finirent bien par me demander ce que j’avais. En guise de réponse, je leur tendis le livre que je tenais encore en main et, je pointai mon index sur la page du texte de Liss : là ! Ils me regardèrent, encore plus étonnés. Finalement, je leur offris le livre en prenant bien soin de les mettre en garde : « Tenez, prenez-le ! Vous pouvez le lire et vous comprendrez mieux ! Mais attention, ne lisez cette histoire qu’entre amis, surtout pas seul si vous ne voulez pas vous retrouver dans la même situation que moi. » Ils s’en furent sans demander d’autres explications, heureux qu’ils étaient d’avoir reçu un livre gratuitement ! Eh oui, dans certains pays, les policiers lisent, même malgré eux !
Voilà donc pourquoi, quand j’achète un livre, je fais en sorte d’en acheter deux ou trois exemplaires. J’anticipe les cadeaux pour les cas prévus comme pour les imprévus.
Et donc, quand je riais de Liss et de son « expérience d’urgence » j’étais loin, mais alors très loin de m’imaginer qu’un jour cela pourrait m’arriver et, de surcroît, en pleine zone désertique de notre vaste continent, à mi-chemin entre le désert et la savane, là où les paysages ressemblent, aux quatre points cardinaux, à la cour d’Ondzéli le village de mon père, lorsque le balai des femmes dégage les feuilles mortes pendant la saison sèche. Pas un arbuste devant, pas une touffe d’herbes derrière.
C’est donc dans ces conditions-là, qu’entre Maghtaa Lajar et Guerrou, la ville aux cents femmes congolaises venues suivre leur époux mauritanien, que ma misère commença, exactement une heure et quarante-cinq minutes après que j’eus avalé précipitamment un méchoui de chèvre et une bosse de chameau braisée, avec en guise de dessert du thé à la menthe et du lait de chamelle. « La gourmandise, disait ma mère, ne convient pas à une femme ! » Face à la faim et la soif qui me tenaillaient, j’avais oublié les leçons de ma mère ; de même que j’avais oublié l’histoire de Liss dont je ne me souviens même plus du titre. En tout cas, c’est écrit dans l’un de ses livres…alors il vous revient à vous lecteur et lectrice de vous procurer les livres de Liss et d’y rechercher vous-mêmes cette histoire. Cela ne vous fera que du bien !
Comme je viens de l’écrire, et je le répète pour que vous saisissez la gravité de la situation dans laquelle je m’étais retrouvée, mon calvaire a duré exactement trois heures et quarante-cinq minutes, dans un convoi de véhicules où il n’y avait que des hommes et moi, la seule femme !
Au fur et à mesure que nous roulions, les « choses » devenaient plus pressantes. Mon état s’empirait. Prisonnière d’une pudeur sortie de je ne sais quelle profondeur de ma personnalité, je n’osais pas demander au chauffeur de s’arrêter ni de rouler plus vite que les 80 km/h imposés par la réglementation ; une consigne que les chauffeurs du convoi respectaient scrupuleusement, histoire de ne pas rentrer dans les nombreux troupeaux de chèvres, chameaux, vaches, ânes qui surgissaient de partout pour traverser nonchalamment le bout de route goudronnée que nous partagions ensemble et, avec lesquels il fallait négocier le passage! Ce qui ne faisait qu’augmenter ma misère !
C’est là aussi que je compris que, les situations d’extrême inconfort des uns délient les langues des autres. Dans ce cas précis, c’était pendant que je m’imposai une discipline de fer (ne pas parler, ne pas tousser, ne me concentrer que sur ma respiration : -inspirer-expirer-inspirer, lentement, très lentement) pour éviter la catastrophe, que mon voisin de véhicule se transforma en une source intarissable de questions et de remarques auxquelles je ne répondais que par le silence ou par des « hou, hous » à peine audibles, étouffant du mieux que je pouvais l’envie qui m’envahissait de lui dire : « Mais tais-toi donc ! » à l’instar du roi Juan Carlos qui, désespéré par les piques du Président Hugo Javez qui imperturbablement traitait le Premier Ministre espagnol de « fasciste ! », ne put s’empêcher de sortir de ses gonds et de lancer à Javez, cette phrase devenue historique « Por qué no te callas ? » ; c’était lors du Sommet ibéro-américain de 2007.
Trois heures et quarante-cinq minutes, mes Amis, à contrôler mes sphincters qui n’en pouvaient plus. Plus qu’un calvaire, c’était un enfer sur le chemin duquel je ne rencontrais aucune bonne intention ni de la part des chameaux, ni du côté des cabris et, encore moins de la part des dunes qui se succédaient à l’infini ! Et, celui qui a dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions a menti !
Finalement, au bout des trois heures et quarante-cinq minutes de route, nous atteignîmes l’ « Auberge de Lhote ». Je ne cherchai même pas à comprendre s’il s’agissait de l’hôte ou de Loth, comme dans la Bible ! L’urgence était là, il fallait y répondre ! Je me précipitai donc dans la chambre qui m’était réservée et là…Ouf !!!!
Hélas, la besogne accomplie, c’est alors que je m’aperçus qu’il n’y avait ni rouleau de papier hygiénique, ni serviette ! Comment faire ! Je lançais un grand « Merde !!! » que personne n’entendit puisque mes compagnons de voyage étaient occupés à descendre nos sacs des véhicules ! Que faire ? Ce n’était même pas possible de faire un simple « kokona » ! D’ailleurs quelle idée d’avoir pensé à un « kokona » quand il n’y avait aucun tronc d’arbre dans une cour d’auberge ! C’est alors que la voix douce de ma mère se fit entendre : « Ma fille, je t’ai toujours dit que si tu arrives dans un village où les gens dansent du pied gauche, il faut danser toi aussi du pied gauche ; si tu arrives dans un village où les gens battent le tambour d’une seule main, toi aussi bats le tambour d’une seule main ! » Ah Maman, Maman, que ferais-je sans toi ? Suivant le conseil de ma mère, je retirais mon pantalon en me contorsionnant et j’attrapai le robinet qui pendait en haut de la cuvette des WC. Et, comme les gens du pays, je me mis à me nettoyer ! Mais là aussi, ce fut sans compter avec le mauvais état du robinet et de son raccord. L’eau giclait de partout. Résultat : mon pantalon, mon T-shirt, mes sandales et tout le reste dégoulinaient d’eau.
Leçons apprises de l’expérience : (1) dans nos contrées il faut savoir adopter les habitudes vestimentaires des gens du cru, (quelle idée de porter un pantalon quand on fait un si long voyage !) ; (2) plus jamais une bosse de chameau même braisée ne descendra dans mon estomac ; (3) le lait de chamelle, ce n’est pas pour une femme de la forêt habituée au vin des palmiers raphia «tsamu-tsamu » de nos forêts inondées...
ou au vin des palmiers-noix (tsamba).
A bon entendeur…j’espère que vous ne vous y ferez jamais prendre !
Nyélénga
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