Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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Bonne Année 2014 Pour les Damnés de la Terre

L’avènement d’une nouvelle année est l’occasion où tout le monde fait des vœux à tout le monde. Vœux de bonheur, santé, prospérité, succès dans toutes les entreprises, etc, etc . La nuit de la Saint Sylvestre à minuit, on se congratule, on s’embrasse, on se serre dans les bras, on ouvre les bouteilles de champagne, on chante, on danse, etc, etc. Pour un temps on est heureux. Très souvent pour ce temps là, le monde s’arrête à nous et à ceux qui sont autour de nous. On oublie qu’il y a les autres, ceux qui sont dans les rues seuls, ne sachant où aller ni avec qui fêter ! On oublie ceux qui, en cette nuit de célébration du nouvel an, ont le ventre rempli, non pas des bons plats bien arrosés de la fête, mais de peur, et qui cherchent un abri pour échapper aux balles, pour se mettre à l’abri des tirs, et des coups de fusils et autres armes noires ou blanches. Ou encore qui pleurent un enfant, un époux, une épouse, une sœur, une mère, bref un proche qui vient d’être emporté par la maladie, par une balle perdue, ou une machette, etc, etc, etc. On oublie les femmes qui tentent désespérément de cacher leur honte, leur humiliation après un viol. Comme quoi, dans la plus grande désolation que cache les plus grands temps des festivités, « l’univers continue sa marche, comme il se doit ».

Nous avons fait la fête pendant que la bêtise humaine faisait ses ravages ! Ici comme ailleurs, au Soudan du Sud comme en République Centrafricaine.

Soudan du Sud, République Centrafricaine ou le Comble de la Bêtise Africaine

Omar Hassan Ahmed el-Bechir, président de la République du Soudan depuis 1993 est le premier chef d’Etat en exercice à faire face à un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour cause de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Depuis Khartoum, il doit siroter son thé à la menthe avec un sourire de satisfaction aux lèvres, un regard moqueur et une démangeaison à peine maitrisable sur la langue de crier à la face du monde : « Je vous l’avais dit ! Je le savais que ces gens –là sont incapables de s’entendre et encore moins de se prendre en main !»

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Omar El-Béchir

Car, comment imaginer une autre réaction de la part d’Omar El-Béchir devant l’énormité de la bêtise humaine observée aujourd’hui au Soudan du Sud où les affrontements entre les deux principales factions rivales ont déjà causé la mort de plus de 1000 personnes et déplacer plus de 90 000 autres personnes.

Rien de plus absurde que cette lutte pour le pouvoir entre les deux amis d’hier devenus ennemis aujourd’hui sur fond des relents du pétrole dont est imbibé le sol de cette partie de l’Afrique.

Rien de plus absurde que cette guerre pour un pays qui vient d’accéder à l’indépendance le 9 juillet 2011 après deux longues guerres civiles, la première de 1955 à 1972 (17 ans) et la seconde de 1983 à 2005.

On se serait attendu à ce qu’après tant d’années de guerres, de souffrances dont la terrible famine de 1998, d’injustices contre lesquelles les soudanais et soudanaises ont réussi à triompher, la sagesse commande l’action des dirigeants de Djouba. Mais, ç’aurait été sans compter  avec la bêtise humaine. On a du mal à croire que des combattants qui ont connu la rudesse de la vie, qui pendant des années ont vu leur peuple massacré, côtoyé les atrocités qu’une guerre peut imposer à un peuple, ont été contraints à l’exil, subi les pires cruautés, une fois aujourd’hui au pouvoir fassent subir les mêmes souffrances à ce même peuple. Hier, le prétexte était l’imposition de la Charia islamique à des chrétiens et prétendus « animistes ». Aujourd’hui le champ de la bataille s’est déplacé ; il se trouve dans l’espace dit chrétien-animiste. Pourquoi se massacreraient-ils entre eux, si ce n’est parce que manipulés par des politiques qui les jettent les uns contre les autres comme des chiens devant qui on brandit un os… même artificiel.

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Un village au Soudan du Sud

John Garang qui a conduit ce pays à l’indépendance, comme tant d’autres avant lui l’ont fait pour leur pays, doit certainement se retourner dans sa tombe. Il se pose sans doute la question de savoir pourquoi il est mort ? Pourquoi s’être battu toutes ces années si c’est finalement pour voir la jeune république du Soudan du Sud dévastée par une guerre dont la seule cause est l’avidité des dirigeants politiques sans vision ni plan de développement pour leur pays et qui ne voient pas plus loin que leur enrichissement personnel.

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John Garang

République Centrafricaine : Le tableau est noir, le diamant brille

En mission, il y a quelques années dans ce pays enclavé de l’Afrique centrale, je demandais à un petit garçon d’environ 11 ans qui se tenait devant une école où ses petits camarades faisaient la queue pour recevoir le repas quotidien servi à la cantine scolaire. Son regard suivait attentivement et avidement les gestes de la cantinière qui puisait dans les deux marmites posées devant elle et remplissait les assiettes que lui tendaient les petites mains déjà vieillies des élèves de cette école. L’ayant remarqué, je m’étais approchée de lui et lui demandai pourquoi il n’était pas avec les autres enfants. Il m’expliqua que les repas étaient réservés aux enfants de l’école. Alors je lui demandai pourquoi il n’allait pas à l’école.  Ce à quoi il me répondit : « Madame le tableau est noir, le diamant brille, moi je suis chercheur de diamants. » La réponse m’avait paralysée d’effroi ! Comment un enfant de cet âge a-t-il pu concevoir une telle idée ? Cela ne peut s’expliquer que dans la bêtise des dirigeants de ce pays qui, depuis de décennies jouent avec l’avenir des enfants et de leur pays en le plongeant dans le cycle sans fin des coups-d’état, d’instabilité et de troubles politiques.

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Carte de la RCA

En 1958, lorsque Barthélémy Boganda baptise son pays République Centrafricaine, pour concrétiser son rêve échoué par la faute des autres leaders politiques de l’époque, de la constitution des Etats Unis d’Afrique centrale, il s’imaginait faire de son pays une grande nation prospère. Mais, il se tue dans un accident d’avion resté mystérieux et n’assistera pas à l’accession à l’indépendance de son pays en 1960. C’est David Dacko qui sera donc le premier président de la RCA. 5 ans après l’indépendance, le pays connaît son premier coup d’Etat dit « Coup d’ Etat de la Saint-Sylvestre » ; Jean Bédel Bokassa, prend le pouvoir et y reste jusqu’en 1979 quand l’opération Caban organisée par la France fait tomber le trône et la couronne de celui qui, entre temps se sera sacré quelques années auparavant Empereur Bokassa 1er. La même année, l’opération française Barracuda ramène David Dacko au pouvoir, mais pas pour longtemps, puisqu’en 1981 André Kolingba va chasser Dacko du pouvoir. En 1993, des mutins contraignent Kolingba à organiser des élections qui porteront Ange-Fékix Patassé au pouvoir.

 

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Vue aérienne de Bangui, la capitale de la RCA

Mais le pays n’en connaîtra pas pour autant une quelconque stabilité puisqu’en 1996 des troubles éclatent qui obligent Patassé à organiser des élections en 1999. Même s’il est réélu, le pays  ne sort point du cycle infernal de l’instabilité. En 2003, il est renversé par les troupes de François Bozizé qui garde le pouvoir jusqu’en 2012 lorsque les rebelles de la « Séléka » le boutent hors du fauteuil présidentiel. Ce qui ne change rien pour mon petit chercheur de diamants qui est certainement devenu un jeune adulte aujourd’hui, peut-être enrôlé quelque part dans la Séléka de Michel Djotodia ou se trouve-t-il plutôt du côté des  « Anti-balaka » qui eux aussi massacrent comme la Séléka, les paisibles citoyens centrafricains.

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Eléments de l'armée centrafricaine.

Les uns et les autres ont fait de la République Centrafricaine un immense tableau noir pendant que les diamants continuent de briller dans les ténèbres de la misère et du sous-dévéloppement économique et mental et que les médias occidentaux veulent nous endormir avec leur sempiternelle « résurgence des antagonismes ancestraux » comme si l’éclat des diamants de la Centrafrique les empêchait d’avoir une analyse objective de tout ce que connaît ce pays depuis l’assassinat de Barthélémy Boganda.

Que tout ce qui précède ne nous empêche cependant pas de souhaiter une bonne année aux Soudanais du Sud et aux Centrafricains pour qui nous avons une pensée en ce début d’année 2014.

Nyélénga.



07/01/2014
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