Extrait de: Née blanche de parents noirs d’ Annie Cécile Mokto
Elle est née au Cameroun, dans une région où comme elle l’écrit « naître blanche de parents noirs est une catastrophe car la dépigmentation est tenue pour le signe d’une malédiction qui conditionne d’avance votre existence. »
Malvoyante à cause de son albinisme, elle est exclue de l’école dans son pays. Arrivée en Belgique, elle reprend son instruction auprès de la Ligue Braille et décroche les « parchemins » qui lui ouvriront les voies de l’acceptation et de la reconnaissance dans des sociétés qui lui ont fait subir, dans son enfance, stigmatisation, exclusion, discrimination, et multiples traumatismes.
Combattante et combative, elle est entrée en politique d’abord dans le Centre Démocrate Humaniste, puis au Mouvement Réformateur (MR) du Premier Ministre actuel.
Voici ce que nous livre la « femme de lettres » et la « femme politique. »
Extraits :
« En Afrique, la naissance d’un enfant est un événement qui donne libre cours à la liesse de parents comblés, prompt à partager leur bonheur avec la famille au sens large et, au-delà, avec la communauté…Mais qu’en est-il de moi, ce 13 mars 1980, lorsque je pointe le bout de mon nez ? Je suis toute blanche. Et pourtant bien « fille de ma mère et de mon père ». Quelle tête mes parents font-ils en me voyant ? Ce n’est pas tous les jours qu’une frimousse couleur ivoire se faufile hors des entrailles de parents noirs !...
…Le premier jour d’école se passe si mal que ne m’en souviens comme si c’était hier. Le cauchemar débute lorsque les camarades font le vide autour de moi, refusant de s’asseoir à mes côtés. Aujourd’hui, sous le prisme de mon regard d’adulte, je peux comprendre que des enfants aient eu cette réaction face à une enfant « différente ». En revanche, ce que je ne comprendrai jamais, c’est que les parents eux-mêmes cautionnent un comportement aussi dévastateur. Encourager leur progéniture revient à permettre que, en grandissant, leurs enfants soient encore plus durs envers les personnes atteintes d’albinisme. Cela nourrit le rejet de la diversité. Mes compagnons se crachaient dessus à mon massage pour conjurer le mauvais sort, ils me pinçaient la peau pour voir si du sang circulait dans mes veines…
…Aujourd’hui, je me suis engagée en politique. J’ai la conviction que la cause des marginalisés et des stigmatisés doit être prise à bras-le-corps…
…Mon engagement doit donc s’étendre. De nouveau, une personne que je vénère va influencer mon choix. Mon père. J’ai toujours admiré son travail d’écrivain, je rêvais de marcher dans ses pas. Mais dans le contexte de mon enfance, cela m’était impossible. Sans mots, je n’avais que des maux. Papa était surnommé « citoyen ». Il s’était engagé en politique, non pas pour embrasser une carrière politique, mais par idéologie. Il n’y est pas resté longtemps mais cette vision de lui va m’orienter dans ma quête, ma contribution à un monde meilleur. La politique se présente à moi tel un incontournable, une façon de donner du rayonnement à mon travail de démystification de la différence. On pourrait se dire « La politique !... »
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