Croustillante soirée avec Fatou Diome
Organisée par l’ONG Coopération par l’Education et la Culture (CEC), la rencontre avec Fatou Diome pour parler de son dernier livre « Marianne porte plainte » valait bien la relégation au second plan de toutes douleurs rhumatismales et arthrosiques. La rencontre a eu lieu le jeudi 15 juin dans la salle de la musique de chambre de Bozar, un des hauts lieux bruxellois pour la culture où se succèdent expositions d’œuvres d’art, vernissages, présentations de livres, conférences, bref événements divers.
Bousculade à l’entrée. Contrôle des sacs à main ; sacs à dos déposés au vestiaire. File importante avant de faire scanner son ticket d’entrée. La salle est comble. Je n’ai jamais vu cette salle de Bozar aussi remplie. Le public patiente. Des retardataires tentent de dénicher une place vide avant de se faufiler entre jambes pliées et dossiers de siège pour s’installer aussi confortablement que possible.
Fatou Diome fait son entrée, accueillie par une salve d’applaudissements sous les spots qui diffusent lumière et chaleur. D’entrée de jeu, elle attaque : « Ouh là là il fait chaud ! Pourtant on est à Bruxelles et pas à Dakar ! Que ceux qui ont besoin de mouchoirs ne se gênent pas à m’en demander ; j’en ai plein dans mon sac ! »
Qui n’a pas assisté à une conférence de Fatou Diome devrait faire en sorte de ne pas la rater à la prochaine occasion. Quant à moi, c’était la deuxième fois que je voyais l’écrivaine de si près : une fois à Paris juste après la parution de son premier livre « Le ventre de l’Atlantique » et cette fois-ci à Bruxelles pour parler de son plus récent livre « Marianne porte plainte. » La première fois, elle était plutôt du genre « dame sérieuse ». Cette fois –ci, après un peu plus de dix années, j’ai retrouvé une écrivaine qui fait éclater d’un rire de fierté les Pangols (esprits) du pays Sérer là-bas dans le Sine Saloum de ses origines car, Fatou ne fait pas seulement dans la dérision en attribuant des sobriquets de son cru aux hommes politiques de son deuxième pays, la France, mais aussi dans l’auto-dérision, caractéristique des grands hommes et dames (quand elle dit à une dame du public : « Je vois qu’il y a une dame ici devant qui ne cesse de me filmer, mais je veux voir votre film avant que vous ne le mettiez sur Facebook pour vérifier que vous n’allez pas seulement montrer mes grandes dents comme le font certaines personnes qui postent des photos de moi sur Facebook ! » (Rires dans la salle).
Mais, savourons ensemble ce que Fatou Diome dit sur l’identité nationale, chère à la France :
Extrait :
« Avec la mondialisation, la gestion des migrations fait désormais partie de toute planification de l’avenir. Les puissances économiques, toutes concurrentes, s’adapteront à cette nouvelle donne, il faudra donc savoir accueillir ou refuser l’ouverture et rétrécir son influence internationale. Flatter des racines locales n’arrêtera pas la marche de l’humanité. Les retardataires qui appellent les Gaulois à leur secours n’ont qu’à s’acheter des jumelles, le rétroviseur ne gouverne pas…..Tout pour la France ! a dit Le Manipulateur –Gesticulant. Vraiment tout ? Y compris l’inadmissible ? Marianne porte plainte ! ….
« Pour communier avec Marianne, j’ai invité mes pangôls, esprits de mes ancêtres ceddos, voici mes masques animistes, mes calebasses de mil, mes jarres de lait caillé destinées aux libations, mes danses endiablées, mes polyphonies, ma musique composite, ma plume de pélican, mon encre mauve d’errance, ma franco-sénégalaise langue aux sept accents et même cette grosse fraise sous mon décolleté. Déposer de telles offrandes au pied de Marianne, qui peut juger cela coupable ? Hélas, pas que La –Marine-Marchande –de Haine et ses tristes matelots ! Comme L’Assimilationniste –gesticulant, récusé même par les siens, le miraculé, François-Fions-nous-à-Dieu, lui aussi, refuse la diversité. Tant pis ! Marianne applaudit la liberté, mon derrière sénégalais lui dédie un joyeux samtamouna, sous le nez du non-multiculturel François, qui agite un anachronique martinet assimilationniste pour empêcher notre plaisir à fraterniser. »
Lire Fatou Diome est un délice ! Ne vous en privez pas !
Nyélénga
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