Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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La rime parfaite

-          Il va falloir que je m’achète une très belle tenue !

 

-          Pourquoi donc, maman ? s’étonna-t-elle. Elle, Lady Jo ma fille aînée.

 

-          Mais, pour ton anniversaire, chérie ! N’est-ce pas que tu vas faire une grande fête ?

 

Elle se tut quelques secondes. Le temps de trouver les mots qui n’allaient pas choquer sa petite mère. Puis :

 

-          Tu sais, maman, ce serait difficile pour toi si tu venais!

 

-          Mais, pourquoi donc ?

 

-          Parce qu’il n’y aura que mes amis et un DJ ! Ce sera comme lorsque nous allons en boîte !

 

-          Et alors ? Je sais danser moi-aussi !

 

Les rires de mes petites filles fusèrent à l’arrière de la voiture. Une d’elles se désola :

 

-          Kôkô (Grand-Mère), même nous, on nous est exclues, figure-toi ! C’était ma deuxième petite fille qui parlait ainsi. Compatissante au sort réservé à la grand-mère qui n’en démordit point.

 

-          Mais, moi aussi j’ai dansé en boîte. Pourquoi ne danserai-je pas avec vous cette fois-ci ? Comme en boîte !

 

Ma fille ne savait pas à quel Saint se vouer ! Elle se concentra sur le volant de la voiture, du mieux qu’elle pouvait pour maîtriser son embarras. Je sentais qu’elle continuait de cogiter. Il ne fallait surtout pas que Maman se sente exclue !

 

-          Maman, finit-elle par dire d’une voix tellement douce que mon cœur en fendit, tu vas t’ennuyer, tu sais ! Il n’y aura pas de mamans, pas de Seniors, et ça risque de durer jusqu’à l’aube ! Je ne veux pas que tu sois fatiguée le lendemain, surtout qu’il te faudra, après ça, reprendre la route !

 

Mes petites filles continuaient de s‘esclaffer en avançant chacune un argument pour me consoler.  Leurs rires a un effet relaxant sur ma fille qui, connaissant mon entêtement devant certaines situations, tenait à me dissuader ( sans me blesser) de me rendre à cette fête d’anniversaire où elle voulait s’éclater avec ses amis, sans que le regard d’une mère, aussi jeune et ouverte d’esprit soit-elle, ne vienne mettre un bémol à leurs « éclatements ». Mais, je revins à la charge :

-          Donc, tu m’exclues ?

 

-          Mais non, maman ! Juste que là, nous voulons nous amuser entre amis. D’ailleurs rassures-toi, on fera un grand repas après, en famille, pour tous les anniversaires de janvier et de février!

 

-          C’est ça oui ! dit la dernière et la plus coquine de mes petites filles.

 

J’étais sur le point de manifester (volontairement) ma déception (disons-le carrément : de feindre ma déception) lorsqu’un souvenir vola à mon secours. C’était à Port-au-Prince. Mes deux filles et mes trois petites filles étaient venues passer les fêtes de fin d’année avec moi. Nous étions à table avec Sushi et Gabie, quand Sushi déclara :

 

-          Maman, ce soir nous sommes invités ! Il faudra être prêt dès 20h !

 

Les regards de tous les enfants autour de la table s’étaient tournés vers nous. Et, en chœur, elles avaient réagi :

 

-          Mais ce n’est pas pour vous ! C’est une fête pour les jeunes seulement !

 

-          Comment ça ? avait répondu Sushi, surpris pour de vrai !

Gabie avait l’air désespérée ! Lady Jo et Yé l’avaient rejointe dans un élan de solidarité qui ne masquait pas que les trois filles s’étaient déjà concerté et prêtes à parer à toute velléité de notre part à nous, les parents, de nous rendre à cette soirée-là ! Attrapant au bond la balle que me lançaient les filles, parce qu’en réalité je ne voulais pas sortir ce soir-là, je me rangeai du côté des filles :

 

-          Mais non, Sushi, nous ne sommes pas invités ! C’est pour les jeunes ! Nous n’allons tout de même pas nous mêler à des ados ! Ce serait mortel d’ennui !

 

Ce à quoi, Gabie, rayonnante, s’extasia devant « ma compréhension » :

 

-          Merci, Mamie Maki, toi au moins tu comprends !

 

Cette fois aussi, dans la voiture que conduisait une Lady Jo, désespérée de l’entêtement de sa mère de vouloir absolument être de la partie « Glamourous » des plus jeunes qu’elle, je cédai :

 

-          Ok c’est bon ! Je ne viendrai pas, à l’instar des petites! De toutes les façons « Seniors » rime très bien avec « Juniors » et ne riment pas du tout avec « Jeunes adultes Glamour » !

 

Superbe porte de sortie qui fit hurler de joie mes petites filles qui gigotaient sur le siège arrière de la voiture !

 

Nyélénga. 



14/01/2016
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