Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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Ces Personnes Qui n’ont Plus de Noms

« Nous naissons chacun avec un nom ! Gare à celui qui perd son nom ! »

Depuis deux jours je fais valser mes méninges pour retrouver l’auteur de cette belle phrase découverte la première fois il y a plus de 20 ans! Etait-ce Tchikaya U Tamsi  ou Sony Labou Tansi ? Ma mémoire refusant de coopérer, je me jette à l’eau. De toutes les façons, si ce n’est l’un c'est l’autre ! Ça se passe dans ma mémoire récalcitrante (je refuse de dire décadente) comme dans le "Loup et l’Agneau" de Jean de La Fontaine : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! » Eh bien, si ce n’est Tchikaya U Tamsi, c’est donc Sony Labou Tansi ! A moins que l’on me dise qu’il s’agit plutôt d’Amadou Kourouma dont le seul livre lu par moi est « Allah n’est pas obligé ! » Quel que soit son auteur, la phrase est là, obsédante dans ma tête ! Simplement parce qu’un nouveau phénomène (peut-être pas si nouveau que ça) est apparu dans nos pays, qui consiste en une aliénation de nous-mêmes, comprise comme la dépossession de soi, la dépossession de nous-mêmes.

Et, comme je viens de l’écrire, quand ma mémoire refuse de coopérer, elle devient aussi butée qu’un âne qui refuse d’avancer ou de reculer. Pour le cas présent de notre aliénation, elle a décidé de ne remonter que jusqu’à la période « révolutionnaire » au Congo quand tout le monde, homme et femme étaient devenus des « Camarades » ! Passe encore, parce qu’à cette époque-là, il y avait les « camarades » tout court et les « camarades membres ». «Camarades » était le nom et « Membres » le prénom.  Tant pis pour ceux qui n’avaient pas de prénom !

A la fin de la révolution (eh oui, les révolutions ont un début et une fin !) j’avais cru ou même espéré que nous redeviendrons des personnes avec nos noms et nos prénoms ! Des personnes normales quoi ! Puisqu’il n’y avait plus de Bureau Politique ni de Comité centrale. Du moins c’est ce que j’avais cru ou continue de croire.

A chaque époque, sa réalité ! Et, notre nature changeante et opportuniste ne nous lâche pas d’une semelle.  Avec la démocratie (mon père se serait écrié : « mais qui donc est cette personne qu’on appelle Démocratie, est- ce elle qui a remplacé celui qu’on insultait tout le temps et qui se nommait "Impérialisme"  ou "Chien couchant de l’impérialisme" ? – mais bon, Papa, repose en paix, je ne te dérangerai pas plus longtemps !) ; donc avec la démocratie, de nouveaux « noms et prénoms » ont vu le jour. On ne s’appelle plus Malonga, on s’appelle DG pour Directeur général ; on ne s’appelle plus Ngoulou, on s’appelle SG pour Secrétaire général ! On ne s’appelle plus Okemba, on s’appelle Dircab pour Directeur de Cabinet.  On n’a plus ni nom, ni prénom, on est « Honorable », « Vénérable », « Excellence », etc. Et gare à celui qui osera appeler un autre par son nom de naissance !

Ni plus ni moins que la « titralisation » et la « fonctionnalisation » de l’être humain. Et tant pis pour ceux qui n’ont ni titre, ni fonction : ils resteront des lambdas !

Quant à moi, je suis venue au monde avec mes noms, je resterai avec mes noms et ce, jusqu’à la fin de mes jours !

                               

Alphonsine Nyélénga Bouya Létsaa La Kosso (c’est long, mais c’est beau et c’est moi !)



17/03/2015
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