Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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Messe, Repas et Rencontre Inopinée

Le dimanche dernier 22 mars, l’ONG catholique « Entraide et Fraternité » a organisé en partenariat avec la Communauté Catholique Haïtienne de Belgique (CCHB) une messe de solidarité et de partage dans le cadre de sa campagne de lutte contre la faim. Pour cette année 2015, les fonds récoltés iront en Haïti. Deux étudiantes haïtiennes rencontrées il y a environ trois semaines lors d’un autre événement du même genre ont eu l’idée de me convier à cette messe. Après quelques minutes d’hésitation, j’ai finalement décidé de m’y rendre.  A l’intérieur de l’église Notre Dame du Finistère, des photos représentant des paysans et paysannes haïtiens, des écoliers sur le chemin de l’école, et beaucoup d’autres belles images sont placardées sur les murs. Un tableau représentant un Christ noir sur la croix (œuvre d’un artiste haïtien) est accroché au-dessus de l’autel d’où, la question de Mwayé (ma fille qui est venue avec moi pour la circonstance) pour savoir s’il s’agissait d’une église catholique libérale? Je lui dis quelques mots sur l’inculturation de la foi, terme utilisé pour la première fois en 1953 par Pierre Charles de la Faculté théologique de Louvain et largement repris par le Concile Vatican II sous le Pape Jean XXIII.

La messe était concélébrée en créole et en français par un évêque belge, Mgr Jean Kockerols, un prêtre haïtien, le Père Dominique Muscadin, un prêtre belge, le Père Jean Pierre Dupont et un prêtre congolais de la République Démocratique du Congo, l’Abbé José Serge Nzazi Otshia.

L’homélie prononcée par l’évêque Kockerols n’a pas manqué de piquant notamment lorsqu’il  a déclaré que beaucoup de personnes ne savent pas très bien où se trouve Haïti, mais que cela n’est pas grave parce que Haïti est notre « prochain » et que « le prochain est souvent celui qui est le plus lointain. » Une telle phrase ne pouvait que rehausser la communion entre Belges et Haïtiens participant à cette cérémonie de solidarité.

Deux moments forts qui ont transporté l’assistance en Haïti : d’une part, l’offrande, au cours de laquelle des fruits tropicaux ont été apportés à l’autel  par des jeunes haïtiennes et haïtiens habillés aux couleurs bleu et rouge du drapeau haïtien exécutant des pas de danse accompagnés par un chant en créole et, d’autre part, le témoignage en créole d’ Olga Marcelin venue tout droit de Limonade (Nord Est d’Haïti) pour parler de l’AFLIDEPA, une association des Femmes de Limonade et de son système de micro-crédit dénommé « Pase Kado ». Le clou de ce témoignage a été (du moins pour moi) lorsqu’Olga transportée par la passion de parler de cette expérience de Limonade a lancé, en guise de salutation à l’assemblée, un « Ayibobo » (salutation généralement utilisée par les seuls  vodouisants) que l’interprète, visiblement embarrassée, a traduit par « Bravo !» ; ce qui n’a pas manqué de me faire sourire tandis qu’une jeune haïtienne assise à mes côtés portait sa main à la bouche comme pour étouffer un cri (d’étonnement ou de désapprobation) sur le point de jaillir !

La fin de la célébration a été couronnée par la voix et la guitare du chanteur-compositeur Jonathan Julien dans « Ti Moun Ayiti » et « Ayiti chérie va fleri », chansons par lui écrites aux Gonaïves (département de l’Artibonite) en 2004.

S’en est suivie une « table de l’amitié » belgo-haïtienne où des plats haïtiens dont le riz djondjon ont fait le bonheur de tous.

A noter que l’ONG belge « Entraide & Fraternité » soutient plusieurs projets en Haïti dans le domaine de l’agriculture et du développement rural pour faire reculer la faim et dans le domaine de l’éducation :

a)  VEDEK (Vivre l’espoir pour le développement de Cap Rouge – département du Sud Est), un projet porté par Joachim Sanon un paysan de Cap Rouge, au profit de qui une pétition circule actuellement en Belgique pour être ensuite déposée auprès de M. Alexander De Croo, Ministre de la Coopération au développement, pour la nomination de Joachim comme ambassadeur de la lutte contre la faim en Haïti ;

b) le partenariat avec PAPDA (Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif) qui travaille de concert avec le VEDEK ;

c) l’Institut ’ICKL qui soutient des organisations de défense des paysans, et intervient dans plusieurs domaines comme le renforcement organisationnel du mouvement populaire à travers des ateliers de réflexion et d’échanges, des séminaires de formation et des débats ; l’ICKL appuie aussi des petits projets de jardins collectifs, de coopératives d’élevage, de boutiques communautaires et de micro-crédits, etc.

Et voilà que juste avant le repas, je tombe sur Antoine Augustin l’impresario du célèbre orchestre Tropicana d’Haïti ! Si, en novembre 2010 en pleine période du relèvement d’Haïti après le séisme de janvier de la même année, quelqu’un m’avait dit que je croiserais un jour Antoine Augustin à Bruxelles, je l’aurais assurément traité de « connard » comme j’avais l’habitude de le faire quand j’étais au volant de ma voiture et qu’un tap-tap ou une moto-taxi me faisaient une queue de poisson ! Antoine Augustin animait à cette époque une émission radio sur l’orchestre Tropicana et m’avait consacrée toute une soirée- dédicace « spécial Tropicana ».  Et, déjà à cette époque, il aidait les organisations paysannes à se relever de la catastrophe qui avait frappé Haïti, ce qui expliquait sa présence quasi hebdomadaire à la Base Logistique de la MINUSTAH où étaient concentrés les bureaux des agences des Nations Unies et aussi les relations particulièrement cordiales qu’il entretenait avec les collègues de ces agences. Ce qu’Augustin s’était abstenu de nous révéler, c’est qu’en même temps, il menait déjà des recherches sur les dynamiques paysannes ! Dire que le plus visible en lui c’était son statut d’impresario de Tropicana ! Sacré Augustin !

Comme quoi, ce monde est vraiment petit et peut nous réserver de ces surprises! On ne sait jamais à qui on a affaire et on peut se retrouver, comme moi, ainsi nez à nez un jour dans une église, dans un temple ou dans un hounfor , bref dans un lieu saint et sacré avec une personne qu’on aurait peut-être regardé de haut ! Ce qui, mèsi Bondyé, n’avait pas été mon cas en novembre 2010, quand une collègue et amie, Myrtha J.M. me prit par la main pour me présenter à Antoine Augustin, connaissant mon faible pour la musique de Tropicana qui ressemble de très près à la musique congolaise de l’époque des Franco Luambo Makiadi, des Tabu Ley et des Johnny Bokélo! Le monde est petit, oui le monde est et…Dieu est grand !

Nyélenga.



23/03/2015
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