Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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Extrait de MAMAN JE REVIENS BIENTOT de ITOUA-NDINGA

« En pensant justement à ce qui doit être dit, j’ai jugé nécessaire de te conter avec des mots simples, les conditions dans lesquelles nous faisions la cuisine lorsque nous avions, bien entendu, de la chair saignante à mettre sur le feu.

Nous la faisions très tard en effet, généralement autour de 22 heures, très tard et dans une atmosphère bruyante au moment où le voisinage devenait de plus en plus calme, à l’heure où les derniers aboiements des caniches de madame Trucmuche tombaient sans coup férir dans le flasque, et pendant que les enfants de notre hébergeant, dans leurs lits, faisaient les dernières de mômes en attendant que le sommeil, en adversaire sérieux, les berçât. Nous faisions la cuisine très tard et mangions aussi aux heures tardives, non pas que nous le voulions ainsi, chère maman, mais nous laissions la priorité à la femme de notre hébergeant qui avait beaucoup à cuire que nous. Et au moment où je t’en parle, chère maman, je me rappelle la boule d’oignon que nous découpions grossièrement et que nous incorporions sans finesse dans le poulet ou dans la viande bovine qui mijotait à peine. Ce n’était pas une cuisine raffinée au sens épicurien du terme, une cuisine exigeante respectant les règles de l’art, plutôt une eau bouillante dans laquelle flottaient tragiquement les morceaux de viande. L’art culinaire, on s’en battait la panse. Nous ne préparions pas pour le plaisir de l’âme et pour nous satisfaire, mais pour nous bourrer les estomacs.

Ma petite maman-chérie, cette cuisine n’avait rien à voir avec la tienne si savoureuse et si précieuse ; la cuisine dont ma tendre enfance et mon jeune âge se satisfaisaient et à laquelle, mon  âge adulte  ne cesse, aujourd’hui, de rendre un charmant hommage. Je sais que tu étais méticuleuse en ta cuisine, sinon ma rieuse enfance te l’aurait reprochée. Je me rappelle que lorsque tu cuisinais le mossaka, ce que nous appelons aujourd’hui sauce graine, tu organisais au mieux ton espace de travail, comme le font les épicuriens, et éloignais de toi les morveux qui, selon toi, pourraient entraver le cours normal de l’art. Tu travaillais toujours avec méticulosité, à tel point que ta manie m’agaçait de trop, lorsque tu passais le plus clair de ton temps à cuire en une heure ce que d’autres femmes, peu fines et moins méticuleuses en leur cuisine, cuisaient en dix minutes. Je me rappelle justement la bonne odeur de ton moukalou au mossaka qui creusait mon appétit de gosse gâté, une parfaite cuisine sans trop de sel et sans épices, mais une cuisine raffinée qu’agrémentait le coco vert –bio- finement coupé de ton habile main de femme de chasseur. »

 

Extrait de Maman je reviens bientôt de ITOUA-NDINGA

 

Les mères apprécieront, les femmes jugeront !

Nyélénga



24/09/2015
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