Qui vient de loin (Ewur'osiga). Le Blog d'Alfoncine N. Bouya

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Extrait de « L’Afrique par les Africains. Utopie ou Révolution ? » d’Edouard Matoko.

Très peu de Congolais connaissent Edouard Matoko, tant grande est la discrétion de ce fonctionnaire international à l’UNESCO. Je n’ai jamais su faire des compliments, encore moins flatter les gens, mais comment présenter un morceau choisi du livre d'Edouard Matoko sans parler de certains traits de sa personnalité à lui? Car, malgré ses responsabilités au sein de l’Organisation internationale, Edouard est de ces personnes respectueuses des autres, discrètes, d’un humour décapant, et d’une simplicité déroutante comme il y en a peu parmi les intellectuels de mon pays. Edouard est de ces personnes que l’on rencontre une fois mais qui vous marque pour le restant de vos jours.

 

En mettant un peu d’ordre dans mon capharnaüm de bibliothèque, le livre d’Edouard paru en 1996 chez l’Harmattan est tombé entre mes mains. La suite, la voici devant les yeux des lecteurs.

 

« Ya –t-il une fatalité à cela (au retard de l’Afrique –NDLR) ? Y a-t-il une conspiration internationale qui maintiendrait ce continent dans la pauvreté ? Y a-t-il une prédisposition culturelle de la part des Africains à ne pas accepter le progrès ? Ces questions et bien d’autres non moins importantes, ne sont pas récentes. Pendant plusieurs décennies, les Africains eux-mêmes ont semblé ignorer leur pertinence, laissant à d’autres le soin des analyses et des réponses censées résoudre les problèmes du continent…

Après tant de voyages qui nous ont donné l’occasion de voir la pauvreté, la misère et l’exclusion dont sont victimes des millions d’êtres humains en Afrique et mesurer le quotidien de la pauvreté et de la misère tel que ne le laissent pas apparaître les statistiques internationales, nous avons voulu y réfléchir.

Il nous fallait poser les questions que beaucoup se posent concernant la régression de l’Afrique. Il le fallait car, à force de côtoyer cette pauvreté, on finit par s’y accoutumer et oublier qu’elle concerne les hommes, les femmes, et surtout les enfants, qui ne demandent qu’à s’affranchir de leur condition d’exclus et à jouir, de manière équitable, des droits fondamentaux reconnus par la communauté internationale, tels l’accès à l’éducation, au travail, aux soins de santé, et par-dessus tout, le droit de prendre part librement aux décisions qui concernent l’avenir de leur pays…

Lorsque l’on sillonne le continent africain, loin des grands boulevards et des édifices flamboyants des centre-villes, il y a une Afrique pauvre qui, du développement tant réclamé, n’a vu que le côté négatif. Les quartiers périphériques qui s’étalent sans configuration précise et à un rythme effrené autour des grandes villes africaines, en sont l’exemple le plus frappant : Treichville, Kumasi, Blokosso à Abidjan, Médina, Pikine à Dakar, Talangaï, Mfilou, Mikalou à Brazzaville, Mushin, Oshodi à Lagos, autant de noms de quartiers qui évoquent la misère et la pauvreté d’une grande partie du continent. Ils montrent le spectacle d’une population établie là dans l’espoir de profiter de l’apparente abondance de la vie urbaine. Bien que survivant grâce aux réseaux de solidarité traditionnelle, cette population reste marginalisée et tente tant bien que mal, de s’accommoder des contraintes « consuméristes » imposées par la vie urbaine moderne…

Le danger de la réflexion qui se développe aujourd’hui à propos d’une Afrique qui, enfin, prend son destin en main, c’est celui de croire que par un tour de passe-passe électoral, les véritables mutations sociales et culturelles qui accompagnent le progrès d’une nation découlent de cette simple évidence, en oubliant que ce que caractérise encore aujourd’hui l’Afrique, c’est la pauvreté et l’ignorance avec leur cortège de drames quotidiens – misère, malnutrition, maladies, violence urbaine-. »

 

Edouard, mon petit frère, on attend ton prochain livre car, depuis 1996, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts! Ne nous laisse pas sur notre faim ! Et, comme dirait le Grand Lokisso, notre aîné et compagnon des beaux moments passés ensemble à l’UNESCO : « Edo, Edo, ah yo pé Petit na ngai, komela biso buku mosusu ko ! » (Edo, Edo, ah mon petit, écris-nous un autre livre !)

 

Nyélenga. 



04/02/2016
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