REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : LA VALSE du Mô lalango et du crétinisme
Ce texte est en hommage à ma Maman Catherine (pas la Présidente), une des mères que mon père m’avait imposées lorsque j’étais enfant. Maman Catherine que certains de nous appelaient affectueusement « Mâ Catho » et jamais « Mâ Cathi » avait l’habitude de s’écrier face à mon étourderie de petite fille à la tête dans les nuages : « Alphoncine ! Mô lalangoooo ? ». Traduction pour les non-sanghophones : « Alphoncine ! Tu es folle ? » Pas méchante du tout, ma « Mâ Catho » sauf lorsqu’elle soupçonnait une des femmes du quartier ou d’ailleurs de zyeuter sur son Vieux Bouya ! C’est dire que ces « Mô lalango » journaliers étaient le signe de l’affection qu’elle me portait ! Et puis je n’étais pas la seule à en bénéficier avec un sourire aussi étourdi que ma tête : il y avait aussi sur sa liste d’autres « lalango », Marie Louise (paix à son âme), Béatrice (paix à son âme), et un Grand Monsieur qui, sûrement en lisant ces lignes là où il se trouve quelque part sur le continent américain, se souviendra des colères douces (mais pas amères de Mâ Catho). La dernière fois que j’avais vu Mâ Catho c’était au cimetière d’Etatolo, lors de la construction de la tombe de mon père, c’est-à-dire un an après sa mort. Je la vois encore, ma tendre Mâ Catho, assise sur des parpaings. Je m’approchai d’elle et osai enfin lui poser cette question qui me taraudait depuis l’enfance :
- Dis-moi Mâ Catho, est ce que c’était vrai que j’étais une folle à tes yeux » ? Sa réponse comptait beaucoup pour moi.
- Mais non ma fille, je n’ai jamais pensé cela en vérité ! Tu étais juste un peu étourdie comme les autres d’ailleurs ! Ses yeux se remplirent de larmes.
Je la serrai bien fort dans mes bras. Et ce fut la dernière étreinte. Quelques mois après, Mâ Catho s’en fut rejoindre son Vieux Bouya, là-bas à Longa, le pays où l’on ne souffre plus.
La République Centrafricaine (RCA) pays où mon père avait roulé sa bosse à la recherche de lui-même, ne saurait m’être indifférent ! Petite, mes oreilles s’assourdissaient aux noms des villes et villages centrafricaines qu’égrenaient mon père en compagnie de son ami Papa Samba, et de son ami et cousin Papa Alphonse Yoka lorsqu’ils revisitaient leur passé turbulent: Bouar, Bossangoa, Bataganfo, Bombari, Berbérati, Mbaïki, Bozoum, Mobaye, Bossémbélé, Bobangui, Sibut, etc…, etc… Mes nuits de petite fille étaient hantées par la RCA qui, devint pour moi comme une seconde patrie d’autant plus que, par l’insistance de Mâ Catho à ne me parler qu’en Sangho, je finis par parler cette très belle bantoue (que j’ai depuis oubliée, sauf en cas de ré-immersion même temporaire !) A tel point qu’en 2003, lors d’une mission dans le cadre professionnel, je débarquai à Bangui (la capitale de la RCA), je me crus chez moi ! Je découvrais les villes des nuits de mon enfance. Je découvrais aussi Bérengo et son palais témoignant de la folie –Lalango- de l’Empereur Bokossa 1er ! A Mbaïki, je vis la malnutrition se transformer en mort et frapper à la porte de la vie d’une petite fille de 10 ans, qui psalmodiait d’une voix déjà éteinte : « Mama za mbi » (Maman, laisse-moi) ! Laisse-moi en paix ! Laisse-moi donc m’en aller ! Impuissants, mes collègues et moi quittâmes les liens pour laisser la petite fille s’en aller en paix ! Pourtant, selon la nutritionniste de notre équipe, il aurait suffi de quelques litres de glucose pour sauver cette vie à peine éclose. Mais trouver du glucose à Mbaïki était pire que chercher une aiguille dans un sac de fonio ! Combien sont-ils aujourd’hui qui ne demandent plus qu’à s’en aller en paix ? Personne ne le sait ! Personne n’en parle ! Seuls leurs esprits en savent quelque chose !
Bien, ça c’est pour l’histoire personnelle, ancienne et vivante.
Qu’en est-il de l’histoire actuelle ? D’aujourd’hui ?
Il y a celle des Politiques qui courent comme des « Lalango » de réunion en réunion, de nomination en démission. Dire que ce pays est dévasté, en pleine faillite, complètement « écrasé » pour reprendre une expression haïtienne, c’est vraiment ne rien dire ! On ne peut que rester bouche bée à se demander ce qui peut bien se passer dans la tête de ces hommes et femmes (tous des lalango) qui détruisent ainsi leur propre pays ? Accord après accord. Médiation après médiation. Chantage ! Refus de participer puis participation quand même. Humiliation et infantilisation de la Présidente comme si elle était personnellement une « Mô Lalango » sous tutelle de ses pairs d’Afrique centrale. Signature de « Considérants » et autres « En appelons » à n’en plus finir ! Les médiateurs sont fatigués. Les observateurs sont fatigués. Les marcheurs pour la paix sont fatigués. Les humanitaires sont fatigués. Même Maman Catherine (tiens le prénom de la Présidente de transition, homonyme de ma Mâ Catho !) est fatiguée, même si, reconnaissons-le, elle continue de se battre du mieux qu’elle peut, avec patience, me rappelant la patience de ma « Mâ Catho » qui s’époumonait avec ses « Mô lalangoooooooo » !!!! Tout le monde est épuisé pour paraphraser le « Tout le Monde est cadavéré » du chanteur congolais Zao ! A voir où en est la RCA aujourd’hui, je me demande si cette dame, ancienne ministre de cette même RCA n’avait pas raison quand, au cours d’une dîner de travail, dans un restaurant –nganda-maquis de Bangui (restaurant anba tonel pour les autres) elle argumentait avec force conviction, qu’une trop forte consommation du manioc conjuguée à une malabsorption d’iode pouvait conduire au crétinisme. Quelle différence entre tous ces Messieurs en costumes et cravates, diplômés de telle ou telle université africaine, européenne ou américaine et ces autres (Moun lèd) en haillons brandissant des kalachnikovs, des coupes-coupes, des machettes ? Aucune ! Tous des « Mô lalango ». De là à croire en la thèse du manioc, de l’iode et du crétinisme, il n’y a plus qu’un fil ténu. Mais alors, il s’agirait d’un crétinisme généralisé, ce que ma très renommée étourderie détectée et dénoncée par ma Mâ Catho, refuse encore de croire. Le manioc serait-il venu à bout de l’intelligence des intellectuels centrafricains?
Le combat politique qui normalement est un combat d’idées s’est longtemps mué en une guerre dite de religion entre les musulmans de la Séléka et les chrétiens anti-balakas (ou l’inverse, peu importe, je suis une étourdie, et je l’ai annoncé dès le départ) qui, faut-il le rappeler ont toujours vécu ensemble, en bons voisins, nouant des unions entre eux et produisant et reproduisant des descendants ni chrétiens ni musulmans, mais centrafricains, parlant tous une seule et même langue : le Sangho parlé sur tout le territoire national! C’aurait été ailleurs en Afrique, que l’on aurait parlé de « guerre tribale ». Or, la RCA n’a qu’une seule et unique langue nationale : le Sangho ! Alors, les appétits politiques des leaders, dont Bozizé et Djotodia, sont maquillés en guerre religieuse entre chrétiens et musulmans de la RCA. Foutaise de foutaise : puisque tous ils se délectent des Kida Ngozo, ces sauterelles qui apparaissent dès les premières pluies de septembre. Et ils s’empiffrent de manioc.
Le Monde.fr dans sa sortie du 10 août répète ce que tout le monde connaît déjà : « Séléka et anti-balaka ont mis en effet le pays à feu et à sang : ils sont accusés de graves exactions et sont considérés, avec la classe politique, comme les principaux responsables de la catastrophe actuelle. Plusieurs de leurs leaders sont sous le coup de sanctions onusiennes et américaines (gel des avoirs et interdiction de voyager). »
Geler les avoirs et sanctionner ne suffisent plus pour que la Paix retourne en RCA. D’ailleurs ce n’est pas la première fois en Afrique qu’on gèle les avoirs et qu’on interdit les voyages. Il faut plus que cela. Il faut commencer par mettre la main sur Djotodia et Bozizé pour les mettre sous les verrous!
Centrafricains, continuez donc de vous entretuer et de laisser les vautours piller le diamant de votre pays ! Continuez à fermer les yeux et à ne pas voir ce qui se passe dans le monde, en Syrie, en Palestine (Gaza), en Ukraine, en Irak, etc…Continuez d’ignorer que votre pays enclavé (sauf son diamant) n’a jamais intéressé personne pas même vos voisins qui vous ont toujours regardés de haut ! Continuez à ignorer ce qu’il en fut des diamants de la Sierra Léone ! Continuez à ignorer l’histoire très récente des autres pays qui sont passés par la destruction avant vous. Mais n’oubliez pas que bientôt il n’y aura plus de Kida Gozo ! Et ce n’est certainement pas les Puissants de ce Monde qui viendront mettre fin à vos stupides et absurdes tueries. Ils sont trop occupés ailleurs ! « Afaforo, (traduction pour ceux qui ne connaissent pas la langue Bambara : par le pénis de mon père !) Allah n’est pas obligé ! » comme l’écrivait feu l’écrivain Amadou Kourouma dans « Allah n’est pas obligé….d’aimer toutes Ses créatures ». Surtout lorsqu’elles se jettent dans la valse du crétinisme comme des Mô lalango !
Nyélénga
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